Filtrer
Accessibilité
Prix
Hélène Cixous
-
"La vie est une chasse, dis-je.
Je suis un lièvre. Pas grand. Je dévale la longue pente blanche à toute vitesse. Si une neige, elle n'est pas froide, ou bien je ne la sens pas. À toute vitesse une grosse pintade me poursuit pour me mettre à mort. La pente est raide. Elle a ses limites. Même si je cours comme l'éclair, il n'y a nulle part où se cacher. Je me retourne, je suis en bas, je suis acculée, je vois l'ennemi, fondre bientôt sur moi. Un dernier recours : terrifier l'ennemi. Il me faudrait un pistolet, l'abattre, je n'ai pas d'arme, ou bien pousser un tel cri qu'il soit épouvanté. Mais les lièvres n'ont pas de voix. Seulement un rêve de cri. Faute de cri, je me brandis moi-même, je deviens petit, noir, dur comme une balle, je vise, puisse l'ennemi me prendre pour une arme, mais pour l'instant l'animal qui charge ne semble pas me voir changée en munition, je n'ai plus d'espace, la distance entre nous diminue, je suis au bord du rêve, au bas de la page je vois ma fin, s'approcher, c'est une grosse pintade grise.
Fin du lièvre. Reste le livre." -
"Je parlerai de l'écriture féminine : de ce qu'elle fera. Il faut que la femme s'écrive : que la femme écrive de la femme et fasse venir les femmes à l'écriture, dont elles ont été éloignées aussi violemment qu'elles l'ont été de leurs corps ; pour les mêmes raisons, par la même loi, dans le même but mortel. Il faut que la femme se mette au texte - comme au monde, et à l'histoire -, de son propre mouvement.
J'écris ceci en tant que femme vers les femmes. Quand je dis "la femme", je parle de la femme en sa lutte inévitable avec l'homme classique ; et d'une femme-sujet universelle, qui doit faire advenir les femmes à leur(s) sens et leur histoire."
H. C. -
"Dans la nuit de cendres noires qui se substitue à la nuit étoilée, des messages alarmés circulent en chancelant dans la suie douloureuse. Les SMS se réveillent SOS : "Vous aussi, est-ce que vous avez cette odeur de cramé dehors ? Maintenant elle entre !" Ici, dans le Sud-Ouest, où la mère forêt se tord en vomissant ses hurlements de fumées colossales, on utilise le mot "cramé". Je n'avais encore jamais senti cette odeur crématoire. Tous les animaux ont pris la fuite. "Vous aussi vous entendez ces galops, ces froissements ces fouissements ces millions de halètements ?" Il n'y a plus de musique. Cette atrophie des mots, cette langue coupée, c'est ce qui rend ma peur folle. Je cherche les chats. Pas de chats, je fuis, je me fuis. Je compte sept jours et je sors. Les arbres ont fini. Le jardin est occupé par des troncs qui charbonnent : des crayons géants et qui pleurent."
-
"J'ai un peu peur pour ce livre. Parce que c'est un livre d'amour. C'est un buisson de feu. Mieux vaut s'y jeter, une fois dans le feu, on est inondé de douceur. J'y suis : je vous le jure."
Voilà ce que dit «l'auteur» de ce livre ; mais qui est l'auteur, Hélène Cixous ? H ? ou Promethea ?
"D'ailleurs c'est le livre de Promethea. C'est le livre que Promethea a allumé comme un incendie dans l'âme de H."
Il s'agit du journal immédiat, urgent, brûlant, d'une passion en train de prendre élan, éternité. Cette "chronique" n'a aucune autre technique que la plus ardente fidélité : elle a un rythme, musical, inégal, celui du coeur.
À travers ces cahiers, ces chapitres, inscrits sur le vif, se dessinent les portraits de deux créatures qui se vouent à aimer comme au temps des légendes ou des quêtes épiques. Tout véritable amour n'est-il pas épique ?
Ce livre est simple et compliqué comme l'amour, douloureux comme la peur de la mort, joyeux comme la confidence absolue. Parfois on verse les larmes brûlantes de la jalousie, parfois on pleure de rire. Ce livre a un goût de sel et de miel. -
"C'était le dimanche 22 janvier 1854, il était neuf heures et demie du soir à Jersey. Et Hugo effleurait le sexe de Shakespeare.
Ils se touchaient l'âme en français. Et ils se tutoyaient. Je lève les yeux. C'est un geste audacieux.
Oh ! Tes yeux ! Tes yeux de roi en passion. Tu veux oui je veux. Nous voulons. La scène se passait entre nos âmes physiques.
Déjà nos lèvres. Ne doutons pas. Nos âmes rient. Une vie serait-elle possible ainsi, parfois, peut-être plus forte que tout. La table s'agite.
C'est mon frère sans doute qui nous voit. Shakespeare semble crispé.
- 'Parle !' dit Hugo.
- 'Mdeilmm.'" -
"Comment font les gens qui ne disposent pas d'un Rêvoir de rêves, les malheureux, je n'arrive pas à imaginer une existence maintenue sous la coupe implacable du Cauchemar. J'ai connu un temps la liberté. Quand une liberté est pure et libre on ne s'en aperçoit même pas. On va, on vient, se couche, se lève, immortellement pendant des années, on ne les compte pas, on n'est ni savant, ni ignorant, on est distrait, on respire, on entre dans des magasins, puis dans d'autres, il y a des calendriers pour tout un chacun. Je fais appel à toutes mes forces mentales, pour deviner l'état du cerveau de ceux qui n'ont jamais connu, jamais aspiré l'air de la liberté, un air légèrement sucré, légèrement salé, discret, agréable, ceux qui à peine nés ont été déposés dans une cage, voués du premier au dernier souffle au cachot de l'esclavage, toutes ces créatures qui n'ont connu de la liberté que le regret greffé dans tout le corps par le mystère de l'héritage."
-
Dans le plus beau et le plus riche quartier d'Osnabrück, en Basse-Saxe, au centre-ville, rue de la Vieille-Synagogue, il y a un espace rasé entre deux élégantes demeures, on passe devant sans les voir. Les Ruines. C'est ici. La réserve de la mémoire et de l'oubli déposée derrière des grillages. Sur le grillage à hauteur de nos yeux quatre panneaux de cuivre poli font le même récit chiffré daté du 9 novembre 1938, panneaux étincelants, tablettes d'une nuit d'épouvante, qui a pris sa place d'horreur dans la longue et riche chronique de la fameuse ville fondée en 783 par Karl der Große, dit Charlemagne de l'autre côté. Ici on entretient les cendres. Ici tous les royaumes de l'Europe ont signé en 1648 le traité de Westphalie, la fin de cette guerre de trente ans qui a laissé traîner dans les rues des millions de fantômes d'assassinés, ici en 1928 sans perdre un instant notre belle ville est nazie, en 1938 elle a mis le feu à ses Juifs, comme hier elle mettait le feu à ses sorcières, ici notre Phénix tout de suite après la haine s'est réveillé dévoué à la Paix et l'hospitalité pour une petite éternité. Ruines, élégantes, soignées, bien rangées, êtes-vous dedans, êtes-vous dehors, êtes-vous libres ?
Derrière le grillage, une haute collection de grosses pierres, des moellons toilettés. Ce sont les os de la Vieille Synagogue (en vérité elle était jeune et belle, dans sa trentième année) qui restent après l'incinération. Os bien rangés. -
Il faut bien aimer : Séminaire 2004-2007
Hélène Cixous
- Gallimard
- blanche
- 5 Octobre 2023
- 9782072971228
Il faut bien aimer est le deuxième volume de l'édition du Séminaire d'Hélène Cixous, qui rassemble trois années, de novembre 2004 à juin 2007. Inauguré en 1974 à l'Université Paris 8 Vincennes, ce Séminaire trouve sa place parmi les grands témoignages de la pensée française des cinquante dernières années, représentée par Derrida, Foucault, Lacan, Barthes ou Deleuze.
Proust est un des personnages principaux de ce texte foisonnant et hybride, qui se lit souvent comme un récit raconté par Hélène Cixous. L'autre personnage remarquable - à côté de Balzac, Beckett, Benjamin, Flaubert, Freud, Goethe, Hofmannsthal, Hugo, Kafka, Lispector, Montaigne, Rimbaud... - est sans doute Jacques Derrida, lequel à un moment s'engage même dans une sorte de "duel" avec Proust à propos de la différence entre "théorie" et littérature.
Il faut bien aimer constitue un chant aux "puissances autres" de la littérature, selon l'expression d'Hélène Cixous. Loin d'être un luxe inutile, la lecture nous est indispensable, qui nous invite à écouter le texte respirer jusqu'aux virgules. -
Hélène Cixous, photos de racines
Hélène Cixous, Mireille Calle-Gruber
- Des Femmes
- Essais
- 24 Mai 2023
- 9782721010742
« Ce qui constitue le sol originaire, le pays natal de mon écriture est une vaste étendue de temps et terres où se déroule ma longue, ma double enfance. J'ai une enfance à deux mémoires. Géographie de ma mémoire généalogique : je me tiens au bord de l'Afrique du Nord. À sa plage. À ma gauche, c'est-à-dire à l'Ouest, ma famille paternelle [...]. Mon Est, ma droite, mon Nord : c'était le paysage de ma mère. C'est un arbre très haut avec de nombreuses branches... » H. C.
« De livre en livre, Hélène Cixous s'est construit tout un ensemble de registres et de clefs. Toute une gamme : à jouer, à monter et descendre. Gamme de possibles, gamme musicale. Do ré mi fa sol la si. C'est une échelle de Jacob, échelle de cordes vocales, toujours plus haut reprise, qui porte à l'ascension du ciel... » M.C-G -
Entre l'écriture rassemble sept textes qui, sur une dizaine d'années, de 1975 à 1984, ont posé la question de l'« écriture féminine » : réflexion sur un des points les plus controversés des nouveaux féminismes.
Tout en poursuivant une critique aiguë et gaie de l'écriture au masculin, et en donnant parallèlement une oeuvre de fiction abondante, Hélène Cixous explore, depuis La Venue à l'écriture, l'espace où s'affirme de la différence. Écrire n'est jamais neutre, le geste, le texte sont sexués : « J'écris-femme. Quelle différence ? » C'est la question que tous ces textes relance, d'une langue à l'autre, d'un sexe à l'autre, de l'art de peindre à l'art d'écrire. La venue à l'écriture. -
L'histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge
Hélène Cixous
- Théâtre du Soleil
- 13 Juin 2017
- 9782905012241
« Le Cambodge, pays des Khmers, antique royaume paysan, a pour fatalité sa situation géographique tout contre le Vietnam.
Viennent les guerres indochinoises. Après la France, les États-Unis s'attaquent au Vietnam communiste. Le Cambodge neutre est emporté dans la tempête. Pour l'atteindre, l'Amérique n'hésite pas à lui passer sur le corps et à le piétiner. Cette tragédie engendre une tragédie plus amère encore. Fuyant l'Amérique, le peuple khmer se retrouve dans les bras meurtriers des Khmers rouges, effrayants nourrissons de l'idéologie communiste. De 1975 à 1979, le peuple khmer descend les degrés de l'enfer Pol Pot.
Voici que l'Histoire doit devenir Théâtre. Dans le passage d'un genre à l'autre la vérité (historique ici) ne change pas. Ce qui change c'est le rythme. Créer pour le théâtre c'est d'abord se soumettre à l'urgence. Alors il faut écrire à l'immédiat. Au théâtre, le destin bat très vite, au rythme du coeur. À chaque battement (une scène), la vie risque d'être perdue.
Le Prince Sihanouk vit sur la terre comme sur une scène de théâtre. Il prend le monde entier à part. Il se montre tel qu'il est. Et il montre les autres tels qu'ils sont. Il a fait sienne la malice shakespearienne : « All the world's a stage. »
1955-1979 : notre pièce dure 24 ans en quelques heures. Il y a 50 tableaux. Tous sont fictifs. Tous auraient pu se passer en réalité. »
Hélène Cixous -
Lettres de fuite ; séminaires 2001-2004
Hélène Cixous
- Gallimard
- blanche
- 29 Octobre 2020
- 9782072859090
Le travail théorique et critique d'Hélène Cixous, plus connue par son oeuvre de fiction et pour le théâtre, a surtout été élaboré publiquement au séminaire qu'elle donne annuellement depuis près d'une cinquantaine d'années. Aussi ce séminaire appartient-il à l'époque "glorieuse" de la pensée française, aux côtés des séminaires de Jacques Derrida, Michel Foucault, Jacques Lacan ou Roland Barthes, mais, à la différence de ceux-ci, celui d'Hélène Cixous était resté inédit jusqu'à aujourd'hui.
Son séminaire se caractérise par le fait qu'il associe étroitement la littérature et la pensée : la voix d'Hélène Cixous, forte et séduisante, nous entraîne dans une lecture très personnelle de la grande littérature occidentale (nous y rencontrons Eschyle, Balzac, Dostoïevski, Freud, Joyce, Kafka et surtout Proust, mais aussi l'Odyssée et l'Ancien Testament, parmi bien d'autres oeuvres), jointe à la philosophie, puisque la lecture s'ouvre à l'interprétation du monde.
Lettres de fuite regroupe trois ans de séminaire, de la rentrée 2001 (après le Il septembre, qui a changé nos vies et le monde que nous connaissions) à juin 2004 (date du dernier dialogue public avec Jacques Derrida, avec qui Hélène Cixous entretient une conversation permanente). Le séminaire fait une place essentielle au désir, à l'amour et à la sexualité, des thèmes universels, mais il est aussi toujours attentif à ce qui se passe sur la scène du monde.
Ce volume possède ainsi une unité thématique autour de la perte, la mort et la guerre - mais aussi de l'amour, la beauté et la vie. Lettres de fuite est donc un hommage aux "puissances autres"
de la littérature. Hélène Cixous conclut : "Dans sa fragilité, dans son côté désarmé, la littérature est absolument indispensable." -
La ville parjure ou le réveil des Erynies
Hélène Cixous
- Théâtre du Soleil
- 13 Juin 2017
- 9782905012302
« La Ville parjure est descendante et héritière des pièces qui l'ont précédée au Théâtre du Soleil. Vue de près, elle porte les traces, indélébiles, de Sihanouk, de L'Indiade, des Atrides, des Shakespeare. On pourrait aisément dégager une « Hantologie » de ces moments différents d'une même tragique Comédie trop humaine.
Cette pièce a été écrite entre décembre 1992 et septembre 1993. Les événements de ce récit se sont produits entre 3 500 ans avant J.-C. et l'année 1993. Par la suite sont arrivés, dans la réalité, des faits qui leur ressemblaient. C'est que la parole du Théâtre, proférée au présent et à l'intemporel, est par définition prophétique, et que le drame que prit le nom « d'affaire du sang contaminé » était en vérité un crime très antique recommencé en costumes contemporains. »
Hélène Cixous -
Le nom d'Oedipe ; chant du corps interdit
Hélène Cixous
- Des Femmes
- Théâtre
- 24 Septembre 2024
- 9782721013316
Opéra représenté au festival d'Avignon en 1978.
« Le drame qui se joue ici pourrait être une version du mythe d'OEdipe. En fait il déplace radicalement l'inceste fils-mère, l'accidentel qui est au corps du mythe, pour faire apparaître essentiellement l'énigme de l'invivable de la relation entre homme et femme : « OEdipe » « Jocaste » ne sont jamais que les prénoms occasionnels de tout homme toujours fils de toute femme jamais femme. Ce qui fonde l'invivable du couple c'est la duplicité de la structure qui veut qu'un homme soit toujours adultère : « le couple » cache un tiers là où l'homme a toujours en réalité deux objets d'amour. Et ce n'est pas la femme-épouse, appropriée, incorporée, qui est son principal objet, mais sa propre image idéale, lui-même dans l'autre qui le regarde comme il veut être vu, grand et bon à ses propres yeux, vénéré (par l'autre, maîtresse, ici : la Ville-fille). Que veut un homme ? Toujours fils-père, être aimé de la mère, jouir lui-même dans la fille. » -
On ne part pas on ne revient pas
Hélène Cixous
- Des femmes-Antoinette Fouque
- La Bibliothèque des voix
- 4 Septembre 2018
- 3328140023756
Ce texte enregistré en lecture publique le 24 novembre 1991, au théâtre de La Métaphore à Lille, est paru dans la Bibliothèque des voix, dans une lecture à trois voix de Nicole Garcia, Christèle Wurmser et Daniel Mesguich.
« Le goût du mot assassin dur et doux
dans la bouche,
il faut pouvoir le dire, le goûter
On pourrait le sertir,
le monter comme une pierre
À l'anneau de la main,
Comment en est-on venu à le traiter
Comme un mot étranger ? L'assassin
L'accessoire essentiel du théâtre,
l'as de nos tragédies
Pourrais-tu m'expliquer
ce tour de passe-passe
Au théâtre, l'être humain est
un assassin
En réalité l'assassin
s'appelle être humain
Je me demande pourquoi nous
appelons théâtre
le théâtre seulement, mais pas la vie
Et saurais-tu me dire pourquoi
nous craignons tant
de voir ce que nous ne craignons pas
de faire
Le crime commence au petit déjeuner
Entre les tartines les poignards, le soir
Nous étouffons le meilleur de nous
Sous un oreiller,
je ne sais pas combien d'enfants. » H. C. -
Préparatifs de noces au-delà de l'abîme
Hélène Cixous
- Des femmes-Antoinette Fouque
- La Bibliothèque des voix
- 4 Septembre 2018
- 3328140023770
« Appelez-moi, faites lever chacune de mes âmes, chantez-moi, dites qui est ici sans dire un mot, faites-moi venir toutes à vous, par mes âmes, par les cheveux, par les oreilles, sans les mots, par toute la peau, tirez-moi par le bout des nerfs, faites-moi passer, hors des rêves sans lumière, sans chaleur, sans issue, sans la mort, et amenez-moi à l'amour qui se laisse approcher sans s'éloigner, se laisse aimer sans laisser à désirer, je suis amenée, je touche à vous, je touche à l'aimée qui se donne sans se faire espérer, à la vérité j'arrive, à l'amour qui se passe de Noms, appelez-moi vite, je viens, et elle aussi, sans interruption l'aimée, viens, venez, avec tout l'amour qui ne s'est jamais perdu, même de ma mort, jamais écrit jamais sauvé, brillant à fleur d'eau, avec l'âme brillante sur la peau, sans cache, sans erreur, dans la chambre de chance, et pas d'autre nom entre elle et moi sauf : Vous ! » H.C.
« Préparatifs de noces, au-delà de l'abîme », éditions des femmes-Antoinette Fouque, 1978. -
Ici, c'est un homme qui est habité par une jeune fille, venue de la misère du Nord-Est brésilien, à Rio, où elle mourra. « Je jure que ce livre est écrit sans mots. C'est une photographie muette. Ce livre est un silence. Ce livre est une question », écrit-il. Et il est tout occupé d'elle : écrire sa vie, sa mort doit le délivrer, lui qui a échappé au sort sans futur qu'elle subit. Il l'aime, comme on aime ce qu'on a craint de devenir...
S'il avoue être le personnage le plus important des sept que comporte son histoire, il ne dit rien de celui dont la présence s'impose progressivement dans ces pages ; la mort qui efface le feu scintillant et fugace de "L'Heure de l'étoile", l'heure à laquelle celle qui meurt devient, pour un instant, l'étoile de sa propre vie, désormais réalisée. -
L'Indiade ou l'Inde de leurs rêves et quelques écrits sur le théâtre
Hélène Cixous
- Théâtre du Soleil
- 13 Juin 2017
- 9782905012258
« Le 15 août 1947, l'Inde est née. Trente années, le peuple indien a lutté pour qu'advienne ce jour tant désiré. Trente années à travers servitudes, prisons, grandes vagues de non-violence. Une longue passion. Trente ans de colère et de rêve.
Vient enfin ce jour béni, vient la liberté, monte le drapeau safran blanc et vert. Mais le ciel est noir et voici que ce jour de joie est un jour de deuil. Voici que les sourires ont séché sur les lèvres et l'amertume enflamme les paupières. Car le destin a joué à l'Inde un de ses tours tragiques. Le jour de la naissance est aussi un jour d'adieu et de déchirement.
Le 14 août 1947 est né le Pakistan. Découpé dans le grand corps indien, tiré de la poitrine du continent par une opération implacable, ce nouveau pays surgit de l'Inde dans un flot de sang. »
Hélène Cixous -
L'individu que je suis est en état de réponse à la peinture. Je ne peins pas, mais au moment où je dis « je ne peins pas », je dis une chose qui est vraie mais je pourrais aussi la déplacer en disant que si je peins, c'est autrement. Au moment où je dis cela, je ne peux pas m'empêcher de commencer à peindre autrement, de me dire que je serai entraînée par le signifiant « peint », « peine », « pain », « paint », donc que j'associerai « peins » et « peine ». Je le sais par ouï-dire, il y a peine à créer artistiquement, en particulier en peinture. Nous avons des témoignages nombreux de la peine des peintres. De leur façon d'être à la peine, à la peinture et à la peine. Il y a des exemples extrêmement notoires, le peintre à la peine le plus notoire étant probablement Van Gogh... Mais je pense que c'est un trait de peinture, que cette espèce de combat, d'affres, qui font peineture. - Hélène Cixous.
-
LA dit le voyage de la femme au-delà de sa première mort, jusqu'aux naissances qu'elle se donnera. À la recherche d'elle-autres à travers elle-même, elle adresse à ses propres mystères, de chapitre en régions géographiques et charnelles, son interrogation : « Quelle serai-je, la, plus femme encore que moi. » Elle s'avance, au plus corps d'une féminité, à la découverte de son univers intérieur. De la fille à la mère, de la mère à la femme, l'Inconnue qui l'appelle à être LA.
La traversée l'entraîne par ses moyens de transport linguistiques, sexuels : visions, amours, transferts. Là où elle va prendre ses risques, au plus près de ses pulsions. Mouvement qui rompt les censures, affranchit une nouvelle langue à plusieurs langues... LA est une rigoureuse exploration de notre imaginaire. L'écriture y donne corps à une subversive féminine « science des rêves ». -
« Le prénom de Dieu » est le premier livre publié par Hélène Cixous, en 1967. Il aura été le Point de Départ, un départ pour un long voyage, qui compte déjà plus de quatre-vingts escales et dure depuis cinq décennies. Comme l'a écrit Jacques Derrida, sur qui ce recueil est arrivé comme un olni (« objet littéraire non identifié »), dans cet ouvrage « s'annonce, se nomme sans se nommer, se prénomme un grand absent.
On pourrait croire à la reprise, par une écriture littéraire à la fois picaresque, fantastique, kafkaïenne, joycienne, des opérations de la théologie négative ». Pour Hélène Cixous, écrire, cet « acte violent d'amour », est le « morcellement d'un cri », un cri qui peut être une manifestation de la douleur d'exister, mais aussi un appel vers ce qui promet et qu'on nomme parfois « Dieu », faute de mieux. -
"En 68-69 je voulais mourir, c'est-à-dire arrêter de vivre, d'être tuée, mais de toutes parts c'était barré.
Je commençai à rêver de m'écrire une Tombe. Ce serait un testament. Le mot testament dans ma tradition, celle de Shakespeare et du romantisme allemand, fait de l'esprit. Il fait Wit en anglais. Witz en allemand. Vite en français. Il fait vite. Le Wit ou Witz fait vite et par conséquent Vif. Il va trop vite pour être arrêté. C'est pourquoi, dans cette tradition littéraire mienne, où le mot et l'esprit font alliance, le mot testament a vite fait de tourner en textamant."
Trente-cinq ans après sa première édition, Hélène Cixous republie, relit et commente son livre à la lumière de son oeuvre et de sa vie.
-
Les Naufragés du Fol Espoir (Aurores)
Collectif, Hélène Cixous
- Théâtre du Soleil
- 13 Juin 2017
- 9782905012319
Au départ, il y a ce roman de Jules Verne : un bateau s'échoue sur une île, à la pointe de la Terre de Feu, ses passagers vont tenter de construire une société nouvelle, un modèle pour l'humanité future. En juin 1914, une équipe de cinéastes tente l'adaptation cinématographique de ce roman.
Une fable poétique et politique, à une époque charnière où toutes les utopies d'un siècle naissant semblaient possibles. -
« Veuillez nous suivre il y a mille ans peut-être ou bien avant-hier, dans les états prospères du Seigneur Khang, en cette année où éclate soudain la menace d'une inondation extraordinaire. Une catastrophe aussi grande que celle qui se prépare, on n'en a jamais vu. La sombre nouvelle se répand. Chacun s'alarme à sa mesure. Les digues deviennent tout naturellement le point de mire des soucis et des calculs. Ah les digues ! Pourvu qu'elles tiennent, pensons-nous. Mais voici que se fait jour une pensée bien cruelle : ces digues, il faut peut-être au contraire qu'elles cèdent. »
Hélène Cixous